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La GEMAPI = une nouvelle « usine à gaz » ou des tentatives de gestion des inondations ?

Publié le : 02/07/2018 02 juillet juil. 07 2018

Par FLORENCE  AUBY avocat spécialisée en droit de l’environnement  

Après plusieurs reports et des assouplissements de dernière minute, la loi sur la Gestion des Milieux Aquatiques et la Prévention des Inondations (GEMAPI) entre enfin en vigueur.

Un rappel préliminaire du dispositif existant avant l’introduction de la loi GEMAPI parait utile afin de mieux comprendre l’apport de cette dernière.

Avant la loi GEMAPI

Avant la réforme par le binôme de lois MAPTAM1 et de la loi NOTRe2, la compétence en matière de lutte contre les inondations et de gestion des milieux aquatiques était organisée selon un mode original, en bonne partie étranger à la décentralisation, et plutôt dictée par les impératifs géographiques3.

Les six grands bassins hydrographiques étaient confiés aux Agences de l’eau, et dans les 55 bassins à des syndicats mixtes, auxquels les collectivités territoriales pouvaient adhérer :Toutefois, cette organisation avait du mal à se combiner avec les pouvoirs de police que détient le maire en matière de prévention des inondations et les compétences communales, voire intercommunales en matière d'urbanisme.

Le législateur a souhaité confier à un échelon identifié, « la commune », les compétences ayant trait à la gestion de l'eau en tant que ressource naturelle et à la prévention des inondations afin de structurer la maîtrise d'ouvrage et, de l’aveu même des auteurs de la loi MAPTAM, de faciliter l’identification des responsables en cas de catastrophes naturelles.

En effet, les Collectivités Territoriales et leurs groupements ne pouvaient intervenir qu’en se fondant sur la clause générale de compétence (CGC). Cette clause peut être définie comme une capacité d’intervention générale pour une collectivité, sans qu’il soit nécessaire que la loi procède à une énumération de ses attributions.

La loi no 2017-1838 du 30 décembre 2017 GEMAPI a introduit des adaptations et supprimé la clause générale de compétence GEMAPI à compter de 2020, (qui permet à une collectivité d’intervenir que si une loi lui en donne la capacité).

Depuis la loi GEMAPI

La loi du 20 déc. 2017 est venue permettre aux collectivités territoriales qui intervenaient avant ces lois de poursuivre leur action relevant de cette compétence au-delà de 2020 sous réserve d'avoir conclu une convention avec les EPCI à fiscalité propre (EPCI-FP).

Toutefois, cette « unité de façade » est immédiatement rompue par le transfert de la compétence GEMAPI aux communautés de communes qui exerceront, en lieu et place des communes la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations. La communauté de communes est, comme on le rappelle, un établissement industriel et commercial regroupant plusieurs communes en vue d’associer ces dernières au sein d’un espace de solidarité en vue de l’élaboration d’un projet commun.

Ainsi, à compter du 1e janvier 2018, les communautés de communes, les communautés d’agglomération, les communautés urbaines et les métropoles exercent obligatoirement une nouvelle compétence de gestion dans les domaines des milieux Aquatiques et de la Prévention des Inondations (I).
Toutefois, le transfert de la compétence entraîne, comme toujours, des conséquences sur le financement nécessaire à son exercice (II).


I-    Une compétence communale obligatoire prise en charge par les EPCI

Cette compétence implique des nouvelles responsabilités pour les EPCI-FP :
  • en matière d’aménagement de bassin hydrographique
  • d’entretien et d’aménagement des cours d’eau, de canal, de lac ou de plan d'eau,
  • de défense contre les inondations, contre la mer,
  • de protection et restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides ainsi que des formations boisées riveraines.

En outre, la commune devient le niveau d’exercice de la compétence des milieux aquatiques et inondations, ce qui permet à l'Etat et à ses agents de sortir de l’exercice d’une compétence lourde de responsabilité, ce qui a suscitée, on s’en doute une grande inquiétude de la part des communes.

Ainsi, le 9 juin 2016, dans un contexte de crues massives, le Président de l’Association des Maires de France, M François Baroin a adressé un courrier au Premier ministre faisant état de :
« la nécessité d’une révision s’agissant de la place et du rôle de l’Etat » et soulignant que « cette compétence supplémentaire vient aggraver  encore les responsabilités des élus locaux, alors même que la politique de prévention des risques relève, à l’évidence, d’une dimension territoriale bien plus large, dans des territoires hydrographiques cohérents et solidaires et nécessite des moyens techniques et financiers à la hauteur des enjeux, reposant pour l’essentiel sur la solidarité nationale »4.
 
Le transfert de la compétence GEMAPI soulève également des difficultés tenant à son périmètre et à l’absence d’exclusivité en la matière.  Ainsi,
  • les métropoles de droit commun « semblent » exercer cette compétence
  • Le maire- reste seule compétent au titre de son pouvoir de police générale afin de prévenir les accidents et fléaux tels que les inondations. Ce pouvoir ne « semble » pas être transféré aux Présidents des EPCI
  • Les propriétaires riverains- responsables de l’entretien des cours d’eau, conservent leur compétence= En cas de carence, la commune ou groupement de communes pourra, après mise en demeure restée inefficace, procéder aux travaux d’entretien nécessaires.
  • L’action des EPCI dans le cadre du grand cycle de l’eau devra être articulée avec celle des collectivités et groupements chargés des autres compétences figurant à l’article L 211-7 du code de l’environnement. – (ex les  régions auraient la fonction d’animation et de coordination en matière de GEMAPI).
  • Le préfet détient sur les cours d’eaux non domaniaux, un pouvoir de police administrative spéciale au titre de la conservation des eaux =il lui appartient de veiller à ce que les riverains procèdent à l’entretien des cours d’eau. En cas de carence ou risque de pollution, il peut prendre ou faire exécuter les mesures nécessaires aux frais et risques des personnes responsables.
Puisque le périmètre des EPCI ne correspond pas nécessairement à celui des cours d’eau, le transfert in fine à une structure dédiée est fortement encouragé par les pouvoirs publics.
Sont disponibles pour ces transferts de compétence des structures distinctes :
  • D’une part, L’EPTB -« Etablissement Public Territoriaux de Bassin » qui intervient pour l’aménagement et la gestion des fleuves et des grandes rivières dans le cadre géographique d’un bassin ou d’un sous bassins.
  • D’autre part, L’EPAGE - « Etablissement Public d’Aménagement et de Gestion des Eaux » qui intervient pour assurer la prévention des inondations et des submersions dans le cadre d’un sous bassin hydrographique d’un grand fleuve.
Selon l’existence ou non d’un syndicat dédié à la GEMAPI et, le cas échéant, selon son périmètre, le législateur a prévu des mécanismes visant à faciliter la coexistence entre structures syndicales et EPCI à fiscalité propre.
  • En cas de création de syndicats, les EPCI ont vocation à transférer la compétence GEMAPI à ceux-ci de manière « classique ».
  • Dans l’hypothèse de syndicats déjà existants, si le périmètre de l’EPCI à fiscalité propre coïncide avec celui de l’établissement dédié, le mécanisme de représentation-substitution pourra aboutir à ce qu’une communauté soit membre de différents syndicats.

II-    Un financement spécifique à priori insuffisant

Afin de pallier la baisse des dotations de l’Etat et les charges attachées à cette nouvelle compétence, le législateur a prévu la création d’une taxe spécifique, baptisée « Aquataxe », destinée à financer « des travaux de toute nature permettant de réduire les risques d’inondation et les dommages causés aux personnes et aux biens ».

Les communes ou les EPCI à fiscalité propre pourront instaurer cette taxe par une délibération prise « avant le 1er octobre de chaque année pour application l’année suivante par l’organe délibérant » et ce « dans la limite d’un plafond fixé à 40 € par habitant, résidant sur le territoire relevant de sa compétence ».3

Ce financement semble très insuffisant, compte tenu des enjeux financiers liés à la compétence GEMAPI. Le transfert des biens afférents à cette compétence va en effet engendrer des investissements considérables, ne
serait-ce qu’au titre de l’entretien des digues.5

Confirmant ses inquiétudes, l’AMF (4) s’inquiète ;
  • D’une part, parce que les insuffisances du financement prévu par le législateur seront vraisemblablement compensées par le budget général des communes et EPCI à fiscalité propre.
  • D’autre part, parce que la commune devient le niveau d’exercice de la compétence des milieux aquatiques et inondations, ce qui accroit la responsabilité des maires.

La compétence GEMAPI     reste pour l’heure une compétence aux contours encore incertains,que les professionnels vont devoir adapter , alors que sous l’empire du réchauffement climatique, les inondations s’accroissent !
 
  1. Loi du 27 janvier 2014 Modernisation de l’Action Publique Territoriale d’Affirmation des Métropoles
  2. Loi 7 aout 20515 portant « Nouvelle Organisation Territoriale de la République »
  3. La compétence GEMAPI des EPCI : une compétence à risques, Yvon Goutal, AJDA 2016 p. 497
  4. http://www.maire-info.com/environnement-developpement-durable/catastrophes/inondations-francois-baroin-demande-une-remise-platsur-le-role-de-letat-et-la-gemapi-article-19716
  5. Décret N° 2015-526 du 12 mai 2015 relatif aux règles applicables ouvrages construits ou aménagés en vue de prévenir les inondations et aux règles de sureté des ouvrages hydrauliques.

Historique

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